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De l’application problématique et sourde du système LMD

par Rachid-BRAHMI

« Les plus courtes erreurs sont toujours les meilleures »  (Molière)

 

 

 

Cette  modeste contribution a lieu après des « débats » qui n’ont vraisemblablement pas dû drainer grand monde, et qui ont été récemment  initiés tant dans les  établissements relevant du ministère de l’éducation nationale, que ceux de l’enseignement   supérieur.

Dans nos universités, il est question notamment, de la qualité de la formation  et du système LMD   conçu sous d’autres cieux , diversement perçu ,  fabriqué pour les besoins et intérêts spécifiques de ces mêmes cieux, puis empaqueté et expédié prêt  à l’ emploi vers les pays du Sud  dont le nôtre.

 Intercepté par notre  communauté universitaire, à son insu, car venant d’en haut, et depuis plusieurs années déjà, ce LMD qui obéit à la mondialisation, un processus  d’uniformisation des pratiques, est appliqué tant bien que mal, pour ne pas dire, on ne sait trop comment. On peut tout aussi dire qu’il est appliqué à la lettre, engendrant ainsi des incohérences.

Il est à relever tout d’abord, que ces débats dans nos universités ont été précipités, empêchant ainsi la communauté universitaire de disséquer dans la sérénité,  les insuffisances manifestes qui relèvent aussi bien de ce nouveau système  , de ses textes fondamentaux confus  ou  mal interprétés  que de la gouvernance universitaire tout court. C‘est à se demander par exemple, si les textes réglementaires régissant le LMD constituent un corpus sacré.

Beaucoup de collègues relèvent que ces textes conçus par des humains, sont sujets à de multiples interprétations, ne constituent pas un dogme, ne sont pas intouchables et ne sont pas sacrés.

Ces mêmes collègues se demandent aussi ce qu’il est advenu des autres débats antérieurs, et des propositions  exprimées lors de séminaires nationaux et internationaux organisés par nos universités. Qu’est-il advenu également des recommandations de maintes commissions ? Y a-t-il eu une évaluation ou un bilan chiffré et précis touchant au LMD et à la qualité de la formation ? 

Sachant « la flopée » des questionnements, nous nous limiterons  ici, à quelques points qui concernent plus particulièrement nos Facultés de Sciences. Les collègues qui y dispensent un enseignement de première année et qui savent tout comme les étudiants, qu’il y a des matières  fondamentales telles que les mathématiques ou la physique, et d’autres matières qui ne le sont pas, appelées unités de découverte, se rendent compte, chaque année depuis l’entrée du LMD, que certains étudiants arrivent à « grimper »  en deuxième année alors qu’ils ont des notes catastrophiques dans les matières fondamentales. Un tel non-sens résulte du   mode compensatoire et de l’inexistence de note éliminatoire  relevés dans les textes du LMD. Même un zéro sur vingt dans une matière fondamentale est compensable et ne constitue  pas une note éliminatoire !

 Il est ainsi arrivé que des étudiants très faibles  dans une matière fondamentale, puissent continuer leurs études scientifiques, en raison de ces textes qui autorisent des compensations en long et en large. Sommes-nous astreints à respecter à la lettre ce texte, venu non pas du ciel, mais d’en haut et qui comporte de telles aberrations nuisibles à la qualité de la formation ?

Par ailleurs, à l’ère de l’informatique et des TIC, les universitaires n’ignorent pas qu’il est fait appel à un logiciel, pour le calcul des moyennes des étudiants. Beaucoup de collègues vous diront que ce logiciel devenu maintenant fameux, présente des défaillances quand il fait ses calculs, tandis qu’une machine est censée faciliter la tâche aux humains.

Quant à la mobilité prônée dans les textes fondamentaux du LMD et telle que comprise par ses concepteurs  du Nord , il faut noter  qu’elle n’a qu’une seule signification, la possibilité pour les étudiants européens qui évoluent dans des pays  acclimatés au  LMD ( car disposant de toutes les ressources nécessaires, humaines , matérielles et financières , contrairement aux pays du Sud )  , d’ étudier ou de faire un stage , dans une université  autre que celle d’origine.

 La transférabilité et la capitalisation des acquis fait l’objet d’une commission de validation dans des universités et grandes écoles réputées. En d’autres termes, sous d’autres cieux, les équivalences ne sont  pas systématiques, contrairement à nos universités,  où des unités d’enseignement présentent de grandes différences, bien que l’unité soit affublée du même nom. L ‘ uniformité exigée dans les textes fondamentaux du système LMD reste donc à parfaire chez nous. Pour confirmer ou infirmer cette uniformité, il suffit de se demander s’il existe un programme  ficelé et unique pour telle ou telle matière enseignée dans nos universités.  

Soulevons maintenant un problème spécifiquement national  qui concerne également d’autres secteurs d’activité et qui semble faire partie  d’une culture génétique ; c’est celui de l’absentéisme exagéré et non sanctionné de bon nombre de nos étudiants nationaux. Pourtant, en ce qui concerne la présence aux cours, celle-ci est obligatoire selon un article, mais laissée à l’appréciation de l’équipe pédagogique selon un autre article, alors que l’assiduité aux TD et TP, est impérative, comme il est clairement stipulé dans des arrêtés, et bien que d’autres parties de texte relevant d’autres points, demeurent amphigouriques.

Cet absentéisme qui ne touche guère les étudiants venus de pays amis, a des causes  multiples. Certains étudiants refont leur Bac pour espérer rejoindre la filière qu’ils souhaitent. D ‘autres, se rendant compte qu’il est possible de réussir, avec ce mode compensatoire, en fournissant le moindre effort, et face à la non comptabilisation des absences,  n’accordent aucune importance au Savoir, l’essentiel pour eux, étant de décrocher un papier nommé diplôme. Nulle personne ne disposant du pourcentage réel d’étudiants réguliers et « recalés », nous sommes donc en présence de statistiques erronées. Il faudra souligner ici, que les modalités de formation dans nos universités restent uniquement présentielles, c’est à dire que les formations à distance, en ligne ou par alternance n’imprègnent pas encore, faute de moyens,  le  terrain  universitaire.

Quant aux étudiants réguliers et « recalés », la responsabilité n’incombe très probablement pas, ou du moins très peu, au système d’enseignement supérieur car celui-ci  hérite des « tares » du système de l’Education Nationale à travers ses trois paliers. Les enseignants à l’université gèrent alors ce qui est difficilement gérable. Nous cherchons ainsi la quadrature du cercle. Le taux d’échec ahurissant et la déperdition d’envergure dans nos universités  devraient tous nous interpeller, quand on sait qu’un gros budget est alloué à l’enseignement .Dans ce sens, une refonte sérieuse dans l’éducation nationale est à espérer dans les meilleurs délais, pour permettre à l’ université d’accueillir des bacheliers qui ont les capacités de communication, de  réflexion, d’analyse et de synthèse , mais non pas des aptitudes de mémorisation à la  « Pavlov ».          

Pour revenir  à l’université, et au moment où l’amendement  même de la Constitution, la loi fondamentale de l’Etat, est envisagé, une beaucoup plus simple relecture et des amendements des textes du LMD ne sont –ils pas possibles ? Pour cela, et à notre humble avis,  le rôle des instances telles que le Comité Pédagogique de Coordination (CPC), les divers Conseils Scientifiques (CS) et les jurys de délibération, serait opportun et justifié.

Car, à titre d’exemple, et selon des documents  qui figurent dans des sites  nationaux,  un conseil scientifique émet des avis et des recommandations  sur toute question touchant à la formation et à la recherche, et propose des orientations. Selon ces mêmes documents, les prérogatives semblent être très larges. Maintenant, en nous  référant à un dico usuel, délibérer signifie débattre, étudier ou examiner, avant de prendre une décision.

Une question encore posée : ceux d’en bas rendent-ils fidèlement compte de leurs avis à ceux qui se trouvent au milieu, qui à leur tour transmettent à ceux d’en haut, même si ceux d’en haut semblent daigner écouter, pour la première fois  ceux d’en bas ? Si la chaine communicative  est « mal huilée », ce qu’on appelle le bruit risque de « rouiller » l’information utile, que celle-ci soit ascendante ou descendante.

« Améliorer la qualité de la formation, harmoniser notre système de formation supérieur avec le reste du monde, proposer des parcours de formation diversifiés et adaptés, favoriser le travail personnel des étudiants et l’ouverture de l’Université sur le monde socioéconomique » , tels sont les objectifs soulignés dans ce système LMD où la rigidité, pour un motif ou un autre, qui accompagne la lecture et l’interprétation des textes réglementaires  nous empêche d’adapter ou  d’innover devant tant de barrières réelles et ( ou)  imaginaires.

En guise de conclusion, deux questions se posent .Primo : le changement bénéfique au devenir des générations montantes, est-il voulu et saisi  par tous et à tous les niveaux ? Secundo : est-il encore  possible de rêver  d’un système qui progresse au lieu de «  patiner » ? La réponse à la deuxième question est totalement affirmative, sinon ce  papier n’a aucune raison d’être.

 

Rachid Brahmi , article paru le  23 mars dans le journal electronique Algérie-Focus 

 


 

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